Leçons à tirer de la chute généralisée des cours boursiers

Kristina HooperStratège des marchés mondiaux, Invesco Ltd.

La semaine dernière s’est terminée sur une mauvaise note. Le taux des bons du Trésor à 10 ans est passé de 2,695 % à 2,852 % en seulement cinq jours,1 montant en flèche après la parution du rapport sur le marché de l’emploi aux États-Unis pour le mois de janvier. Non seulement les taux à l’échelle mondiale ont augmenté, mais cela a entraîné le plus gros repli des actions américaines en près de deux ans, lequel s’est ensuite propagé à l’Europe et à l’Asie, exerçant des pressions à la baisse sur les actions de ces régions. Au moment de rédiger ce blogue, les contrats à terme laissent présager que ce repli va se poursuivre aujourd’hui.

Les événements des derniers jours nous ont donné un avant-goût des risques dont j’ai déjà parlé dans mes blogues précédents. L’un de ces risques est que les évaluations des actions américaines sont tellement exagérées qu’elles « reflètent un scénario parfait », ce qui les rend plus vulnérables à un repli dès qu’un signe négatif se pointe à l’horizon. Un autre risque est le potentiel de perturbation de la politique monétaire, tandis que la Réserve fédérale américaine (Fed) tente graduellement de la normaliser. Les marchés ont apparemment fait fi du potentiel de resserrement plus musclé de la Fed si des signes de hausse du taux d’inflation faisaient surface. Un signe de taille – une croissance des salaires beaucoup plus forte – s’est manifesté dans le rapport sur l’emploi aux États-Unis de la semaine dernière, et maintenant les marchés se démènent pour composer avec les retombées de ce phénomène.

Garder le repli en perspective

Les manchettes des journaux laissent entendre que la panique s’est installée. Après tout, l’indice Dow Jones des valeurs industrielles a reculé de 4,1 % la semaine dernière et le taux des bons du Trésor à 10 ans a atteint un nouveau sommet en près de quatre ans.2 Qui plus est, la Deutsche Bank a émis une mise en garde voulant que les diverses catégories d’actif sont étroitement corrélées, ce qui pose un énorme risque de « contagion des actifs », si bien qu’une dislocation ou un repli pourrait causer une réaction en chaîne significative.

Avant que les investisseurs ne commencent à s’inquiéter, je crois qu’il faut mettre les choses en perspective :

  1. Ce repli ne devrait étonner personne, compte tenu que la hausse des taux peut modifier les évaluations, engendrant une réévaluation des actions. Plusieurs stratèges de marché soutiennent que si le taux des bons du Trésor à 10 ans devait augmenter à au moins 2,75 %, cela entraînerait une réévaluation majeure du marché boursier qui ferait dégringoler les cours. Même si certains pronostics semblaient exagérés lorsqu’ils ont été avancés – et c’est encore le cas – ils illustrent le concept selon lequel une hausse des taux peut modifier l’évaluation des actions.
  2. Nous ne pouvons pas présumer que les taux vont augmenter lentement et graduellement. En réalité, le rythme des hausses de taux peut être largement dicté par les statistiques économiques, particulièrement les indicateurs d’inflation. Et, c’est difficile pour les taux d’augmenter graduellement si la croissance des salaires n’est pas graduelle. Nous devrions peut-être nous attendre à une plus forte volatilité des titres à revenu fixe à l’avenir.
  3. Un repli des actions est normal et pourrait être bénéfique. Les actions n’ont pas connu de repli marqué en plusieurs années; en fait, au cours des deux dernières années, les actions américaines, représentées par l’indice S&P 500, n’ont pas baissé de 5 % ou plus. Ce n’est pas typique d’après les données de rendement historiques, et cela suggère, compte tenu de l’argument du retour à la moyenne, que plus les actions tardent à subir une forte correction, plus la correction pourrait être marquée. Par conséquent, je crois que nous devrions voir d’un bon œil ce repli car c’est un signe que le marché boursier se normalise, et cela peut créer des occasions d’achat en cours de route.
  4. Une plus grande volatilité est bénéfique. Le degré de volatilité du marché américain est maintenu artificiellement bas depuis près d’une décennie, depuis le début des mesures d’assouplissement quantitatif de la Fed. Ces conditions sont un signe d’une conjoncture anormale, sur laquelle la politique monétaire très accommodante a des retombées, et ont entraîné des corrélations plus fortes. J’ai déjà écrit que le potentiel des forces perturbatrices pouvait mener à une plus forte volatilité, ce que nous avons finalement commencé à constater cette année. Or, les investisseurs ne devraient pas craindre une plus forte volatilité car elle apporte habituellement avec elle de plus faibles corrélations et plus d’occasions de surpasser les indices de référence, particulièrement lorsque le marché fluctue à la baisse.
  5. Les conditions financières s’assouplissent encore, ce qui devrait amortir l’impact de la hausse des taux. Les primes de rendement des obligations de sociétés ont beaucoup chuté et celles des titres à rendement élevé ont légèrement baissé. D’après la plus récente enquête auprès des responsables du crédit menée par la Fed, les banques assouplissent les conditions de crédit des nouveaux prêts aux entreprises. L’indice des conditions financières nationales de la Banque de réserve fédérale de Chicago suggère que les conditions financières actuelles sont les plus souples depuis de nombreuses années. Et, la politique monétaire en dehors des États-Unis demeure très accommodante. Ces facteurs devraient procurer une conjoncture qui continuera de favoriser la croissance malgré la hausse des taux.
  6. Le penchant pour les actions mondiales demeure à la hausse. La conjoncture économique mondiale s’accélère; le Fonds monétaire international a récemment révisé à la hausse ses prévisions de croissance mondiale. La croissance semble aussi s’améliorer aux États-Unis (après tout, le rapport sur l’emploi qui a déclenché l’agitation était encourageant, faisant état d’une création d’emplois supérieure aux attentes). Le modèle GDP Now de la Banque de réserve fédérale d’Atlanta prévoyait récemment un taux de croissance du PIB de 5,4 % au premier trimestre de 2018; bien que cela semble trop élevé, à mon avis, cela sous-entend certainement une amélioration de la croissance. La période de déclaration des bénéfices a été également positive et les bénéfices sont censés augmenter cette année.

Ne pas paniquer et se préparer en conséquence

En résumé, je crois que cette conjoncture plus volatile et tumultueuse va se poursuivre, mais les actions ne subiront peut-être pas seulement de la volatilité à la baisse, je prévois aussi de la volatilité à la hausse. De plus, nous pouvons nous attendre à une plus forte volatilité pas seulement des actions, mais aussi des titres à revenu fixe. Enfin, la mise en garde de la Deutsche Bank quant à la possibilité d’une « contagion des actifs » ne doit pas être prise à la légère. Les marchés mondiaux sont étroitement interconnectés et il ne serait pas étonnant de voir les replis de certains actifs ou régions en infecter d’autres.

Nous devons aussi reconnaître que la réaction exagérée aux signes d’inflation aux États-Unis pourrait se reproduire cette année; cela fait partie de la période de hausses des taux d’intérêt que nous traversons actuellement. Elle pourrait aussi survenir ailleurs. Il faut savoir que la Banque centrale européenne (BCE) a commencé à normaliser sa politique monétaire en diminuant progressivement ses achats d’actifs. L’hypothèse des marchés est que la normalisation de la BCE sera très graduelle parce que l’inflation est tellement basse, à l’instar de l’hypothèse faite à propos de la Fed. Même s’il est probable que l’inflation en Europe demeure faible et que la normalisation soit très graduelle, cette situation est appelée à changer, comme cela semble être le cas aux États-Unis.

Nous devons surveiller ces risques, mais nous ne devons pas les laisser nous éloigner des marchés. Rappelons-nous des principes clés des placements à long terme :

  • Maintenir une vaste diversification. Pour de nombreux investisseurs, cela peut comprendre non seulement des actions et des obligations, mais aussi une proportion de placements alternatifs
  • Ne pas avoir peur et ne pas agir impulsivement. Il faut faire preuve de rigueur, sans égard à la conjoncture, et continuer d’épargner et d’investir conformément à son plan à long terme

Source: Invesco Canada

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